Tribunaux spécialisés

Bien que le décret les nommant ne soit pas paru, la liste des Tribunaux spécialisés a été dévoilée par le garde des sceaux.

Il s’agit de: Besançon, Bordeaux, Evry, Grenoble, Lille Métropole, Lyon, Marseille, Montpellier, Nanterre, Nantes, Nice, Orléans, Paris, Poitiers, Rennes, Rouen, Strasbourg , Toulouse.

Si l’on considère le volume du contentieux et des procédures collectives actuellement traité par ces juridictions, certaines « curiosités » sautent aux yeux.

La présence d’Evry 17ème par son contentieux général et 13ème pour le volume des procédures collectives est surprenant quand Bobigny, Créteil, Versailles ou Pontoise sont écartées.

Les choix de Besançon et Poitiers 65ème et 72ème sont encore bien plus surprenants.

Enfin, ni Clermont, ni Saint Etienne ne figurent dans cette liste.

Outre les dirigeants leurs conseils et le représentant des salariés, rappelons que le Président du Tribunal dans le ressort de laquelle se trouve une entreprise dont la procédure relève de la juridiction spécialisée, siège de droit au sein de ladite juridiction. Il leur faudra donc à leurs frais faire plus de 300 km.

Le Président du Tribunal devra les effectuer à ses frais et bénévolement.

Défaillances d’entreprises

Un excellent organisme d’informations financières rapporté dans « la semaine juridique » (n° 29) écrit « Le redressement de l’économie se propage mais les entreprises sont encore fragiles. »
La constatation d’une baisse de 0,3 % du nombre de procédures collectives fonde ce propos encourageant.

J’avoue ma totale stupéfaction !

Souvenons-nous de l’évolution du nombre des procédures collectives.

En valeur absolue nous aurions atteint en 2009 le record historique de 64.439 « faillites » (source Coface) pour 38.289 en 2000 (Insee).

Nous sommes restés en 2010 à un étiage historiquement haut de l’ordre de 63.000 et nous y resterons encore en 2011.

J’ai personnellement du mal à voir, dans une baisse de 0,3 %, la propagation du redressement de l’économie.

J’aimerai avoir l’appréciation du même statisticien à l’heure ou le CAC 40 crève le plancher des 3.000 points.

Son optimisme nous rassurerait … à moins qu’il n’ait tout lieu de nous effrayer tant il semble que la réalité lui ait totalement échappé.

Compétence exclusive du Tribunal de Commerce

Il était constant que le Tribunal de Grande Instance était compétent pour tous les litiges pour lesquels une compétence exclusive n’avait pas été donnée à une autre juridiction.

Il a longtemps été considéré que le Tribunal de Commerce, juridiction d’exception, ne disposait pas de compétence exclusive pour les litiges définis aux articles 631 ancien du Code de Commerce devenu L 411-1 du COJ puis L.721-3 du Code de Commerce.

Une seconde condition à sa compétence était posée quant à la nature du litige.

L’arrêt de la Chambre Commerciale de la Cour de Cassation en date du 27 octobre 2009 n° 08-18.004 tranche cette question et affirme l’absence de condition supplémentaire.

L’article L.721-3 du Code de Commerce défini par conséquent une compétence générale et exclusive au bénéfice du Tribunal de Commerce ce qui incite e commentateur à considérer dans la semaine Juridique que cette compétence générale est une forte tempérance au caractère d’exception de la juridiction

La juridiction consulaire se vend à la découpe

Lors de son assemblée générale du 30 mars, la conférence Générale des Tribunaux de Commerce a écarté la motion prônant le rejet pur et simple des articles 66 et 67 de la Loi Macron pour accepter le principe de juridictions commerciales spécialisées.

Ces bons gestionnaires ne sont pas habitués à l’affirmation de leurs revendications. Ils ont donc négocié avec le gouvernement.

En acceptant que 8 Tribunaux dits spécialisés aient compétence exclusive dans certains domaines, procédures collectives des entreprises de plus de 150 ou 250 personnes (à définir), concurrence déloyale, la conférence générale des Tribunaux de Commerce se saborde.

Comment imaginer que l’état n’impose prochainement dans le cadre de la loi sur la justice du 21ème siècle la présence de magistrats professionnels au sein de ces juridictions.

La politique n’est pas le droit des affaires.

Les promesses n’y engagent que ceux qui les écoutent. Madame Taubira se sera habilement jouée des juges consulaires, bénévoles trop bien élevés pour lui répondre à la manière de Cambronne.

Suppression de l’exequatur

La France a transposé en droit interne les dispositions du règlement européen UE 1215/2012 favorisant la libre circulation des décisions de justice.

Pour les décisions rendues à compter du 10 janvier 2015, il n’est plus nécessaire d’obtenir l’exequatur pour diligenter des mesures d’exécution dans un autre pays de l’Union.

Les délais de paiement excessifs lourdement sanctionnés

La loi Hamon (n°2014-344 du 17 mars 2014) renforce la répression des délais de paiement excessifs.

VI – Dorénavant l’article L.441-6 du Code de Commerce est ainsi prolongé :VI Sont passibles d’une amende administrative dont le montant ne peut excéder 75 000 € pour une personne physique et 375 000 € pour une personne morale le fait de ne pas respecter les délais de paiement mentionnés aux neuvième alinéas du I du présent article, ainsi que le fait de ne pas respecter les modalités de computation des délais de paiement convenues entre les parties conformément au neuvième alinéa dudit I. L’amende est prononcée dans les conditions prévues à l’article L. 465-2. Le montant de l’amende encourue est doublé en cas de réitération du manquement dans un délai de deux ans à compter de la date à laquelle la première décision de sanction est devenue définitive.

Sous les mêmes sanctions, sont interdites toutes clauses ou pratiques ayant pour effet de retarder abusivement le point de départ des délais de paiement mentionnés au présent article.

Ceux qui avaient encore des doutes sur le caractère d’ordre public du texte sont dorénavant fixés !

Mauvaise surprise pour le cadre d’une Minoterie

Après avoir vainement poursuivi la société au bénéfice de laquelle avait été opéré l’achat d’un fonds de commerce de boulangerie objet du prêt, la banque se retourne contre l’associé fondateur, cadre d’une grande minoterie au moment des faits.

Le contrat de prêt n’ayant pas été valablement repris par la société, les contractants sont solidairement tenus au remboursement.

Monsieur G. M. associé fondateur se trouve seul poursuivi nonobstant la vente de ses parts.

Il fait appel de la décision de condamnation prononcée contre lui par le TGI d’Evry.

Il plaide que la banque a manqué à son devoir de mise en garde, que son engagement parallèle de caution est disproportionné avec ses capacités financières et que sa responsabilité d’associé fondateur est recherchée sans qu’aient été mise en œuvre les garanties souscrites.

Il sollicite que son conseil soit condamné à le relever et garantir de la condamnation à raison de la faute qu’il a commise en sa qualité de rédacteur de l’acte de cession des parts sociales.

Il soutien en effet avoir ignoré:

  1. que la société n’avait pas repris les engagements souscrits auprès de la banque
  2. que la vente de ses parts ne le libérait pas de son engagement de caution.

La Cour d’Appel reprend à son compte l’argumentation des premiers juges selon lesquels la banque n’était pas tenue à un devoir de mise en garde à l’égard d’un professionnel du secteur de la boulangerie (collaborateur d’une minoterie), associé détenant la moitié des parts sociales disposant d’un intérêt personnel à l’acquisition du fonds de commerce de Boulangerie et disposant de toutes les informations utiles pour apprécier l’opportunité de recourir au prêt litigieux.

Elle relève que la banque ne poursuit pas Monsieur G M en sa qualité de caution mais en celle d’associé, que dès lors le moyen tiré du déséquilibre susceptible d’avoir entaché l’engagement de caution est inopérant.

Enfin, elle indique que le fait de poursuivre l’associé fondateur sans mettre en œuvre les garanties n’est pas fautif.
A l’égard de l’avocat, la Cour d’Appel retient qu’il a failli à son devoir de conseil et fait perdre à son client l’occasion de renégocier les engagements qui avaient été souscrit. Le quantum de la somme mise à sa charge couvre une fraction (30%) des sommes dues par Monsieur G. M.
La Cour de Cassation est saisie d’un pourvoi.

La Haute Cour priée de constater que les juges du fond auraient confondu les activités de boulangerie et de minoterie pour déclarer l’emprunteur averti relève au contraire que cette qualité résulte de la situation d’associé fondateur, propriétaire de la moitié du capital, personnellement intéressé à l’acquisition du fonds et disposant de toutes les informations utiles pour apprécier l’opportunité du recours au prêt litigieux.

S’agissant de la responsabilité du rédacteur de l’acte de cession des parts, la Cour indique que l’information dont le conseil était tenu n’était pas de nature à modifier les obligations souscrites. La défaillance de l’avocat n’a fait que priver Monsieur G M d’une chance de renégociation dont l’issue demeure incertaine.

Le pourvoi est rejeté.

TGI EVRY 11 mars 2010 N° 0401985

CA Paris Pole 5 chbre 4-19 sept. 2012 N° 10/10682

Cass. Com. 18 mars 2014 n° 12-28784

Cession de créances et attribution de juridiction

L’arrêt du 4 mars 2014 de la Chambre Commerciale de la Cour de Cassation (n°13-15.843)  impose au juge du fond de s’interroger sur l’acceptation éventuelle par les parties d’une clause attributive de juridiction stipulée au profit d’un tiers absent de la cause

Cette décision surprend.

Peut-elle avoir des conséquences en matière de cession de créances ?

La convention de cession de créance prévoit toujours une clause attributive de juridiction.

Le débiteur est étranger à l’accord.

Son acceptation du transport lui rend-elle la clause opposable ?

La nouvelle jurisprudence de la Cour ne devrait en fait rien changer.

Les juges du fond s’étaient arrêtés à la seule identité des parties.

La Cour de Cassation a entendu rechercher si la règle de compétence prévue dans le cadre du rapport fondamental invoqué par le demandeur pouvait être maintenue.

En matière de cession de créance, il est constant que le cessionnaire ne dispose pas de plus de droits que le cédant. C’est pourquoi Carnot Investissement fait application des clauses attributives de juridiction souscrites entre les parties au rapport fondamental.

La pratique actuelle est donc en accord avec le sens de l’arrêt rendu.

Reste qu’il y a fort à craindre qu’une lecture sommaire de cet arrêt ne conduise certains plaideurs à soulever des exceptions à tort et à travers.

PS : Sur le même sujet, mon article du 25 juin 2013.

Une créance indemnitaire est-elle cessible.

Depuis un arrêt du 10 janvier 2006 de la 1ère chambre civile de la Cour de Cassation (N° 03-17.839), la réponse à cette question est indéniablement positive.

La Cour a affirmé : « Une convention de cession peut avoir pour objet, non seulement toute créance, mais encore toute action contre un tiers, à moins que ces créances, droits ou actions ne soient hors du commerce ou que l’aliénation n’en ait été prohibée par une loi particulière. N’est, dès lors, pas contraire à l’ordre public la cession d’une action tendant à la mise en jeu d’une responsabilité civile professionnelle ne faisant l’objet d’aucune restriction légale. »

Le même arrêt apporte également une précision sur l’ampleur des droits cédés en tant qu’accessoire de la dette principale.

Le principe bien connu résulte des dispositions de l’article 1692 du Code Civil lequel dispose :

« La vente ou cession d’une créance comprend les accessoires de la créance, tels que caution, privilège et hypothèque. »

La Cour précise : « La cession d’une créance transfère celle-ci au cessionnaire qui dispose de toutes les actions qui appartenaient au cédant et qui se rattachaient à cette créance avant la cession. Le cessionnaire d’une créance dont les sûretés, initialement prises en garantie du prêt constaté par un acte notarié, ont été perdues par le fait du notaire rédacteur de cet acte, est, dès lors, recevable en son intervention volontaire dans l’instance en responsabilité engagée contre ce notaire par le cédant de la créance dont les accessoires, notamment les actions en justice, ont été transférées au cessionnaire qui est devenu personnellement titulaire des droits transmis. »

En l’espèce, la créance indemnitaire a été transmise en tant qu’accessoire de la créance contractuelle cédée.

Les opérations de cession de créances impayées concernent très essentiellement des créances contractuelles. Mais rien n’interdit de céder une créance d’origine délictuelle. En outre, l’action en indemnisation de la faute commise au préjudice du créancier appartient au cessionnaire.

Droit de la consommation et droit commercial – le cas des cessions de créances impayées contre des artisans.

Soumis à la compétence du Tribunal de Commerce en matière de procédures collectives, les artisans relèvent de la compétence des Tribunaux d’Instance ou de Grande Instance en matière de contentieux général.

Le législateur envisage de les intégrer au collège électorale pour les élections des juges consulaires mais ils se trouveraient ainsi avoir à connaître de contentieux au sein d’une juridiction dont eux même ne relèvent pas.

Si les instances professionnelles de l’artisanat souhaitent un rattachement aux juridictions consulaires, il n’est pas rare de voir les artisans invoquer le droit de la consommation à leur profit.

Bien que son activité soit orientée vers le rachat de créances commerciales impayées, CARNOT INVESTISSEMENT se trouve parfois acquéreur de créances impayées contre des artisans.

Ceux-ci invoquent presque invariablement le droit de la consommation, lequel relègue le cocontractant à un état de quasi incapable.

Il convient dès lors de rappeler qu’un contrat souscrit pas deux professionnels pour les besoins de leur activité ne peut en aucune manière relever du droit de la consommation.

S’agissant d’un contrat mixte conclu à la fois en lien direct avec l’activité professionnelle et en vue d’un usage personnel, il ne peut être fait application du droit de la consommation que si la partie professionnelle est insignifiante.

La Cour européenne a ainsi jugé, s’agissant de la convention de Bruxelles devenue l’article 15 du Règlement (CE) du Conseil n° 44/2001 du 22 décembre 2000, texte d’application directe :
« une personne qui a conclu un contrat portant sur un bien destiné à un usage en partie professionnel et en partie étranger à son activité professionnelle n’est pas en droit de se prévaloir du bénéfice des règles de compétence spécifiques prévues aux articles 13 à 15 de ladite convention, sauf si l’usage professionnel est marginal au point d’avoir un rôle négligeable dans le contexte global de l’opération en cause, le fait que l’aspect extraprofessionnel prédomine étant sans incidence à cet égard »
(CJCE, 20 janv. 2005, aff. C-464/01 : Contrats, conc. consom. 2005, comm. 100, obs. G. Raymond).

Les opérations de cession de créances impayées auxquelles souscrit CARNOT INVESTISSEMENT portent toujours sur des opérations souscrites à titre professionnel et le fait qu’une entreprise artisanale se trouve dans le portefeuille de créances commerciales cédées ne change pas fondamentalement la portée de l’engagement souscrit.